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Le cheval se cabra avec un hennissement de douleur et Kian fut projeté en arrière. Seul l’instinct né de longues années d’entraînement lui permit de tomber sans se blesser.
La chute l’avait sorti de l’état de stupeur dans lequel l’avait plongé l’apparition. Il se redressa. Sa fatigue aussi avait disparu. Le fluide de peur, d’excitation et de plaisir que chaque combat libérait dans ses veines aiguisait ses sens à l’extrême.
L’homme-ours, avec un grognement guttural, retira sa hache du ventre du cheval. Il la porta à sa bouche et lécha le sang en fixant Kian de son regard de fou.
Alors Kian s’aperçut qu’il était désarmé.
Il recula, balayant du regard l’herbe piétinée. L’épée ! Où était l’épée ?
Près du cheval. Impossible à atteindre.
L’homme-ours s’avançait lourdement, un rictus découvrant ses dents écarlates. Il avait une tête de plus que Kian et des épaules de taureau.
Kian enleva le casque. Trop chaud, trop lourd, il réduisait son champ de vision et ne le protégerait pas. Avec cet adversaire, il fallait être le plus rapide et attaquer le premier.
Il recula comme s’il se sauvait, puis fonça sur l’homme-ours de toute la force qui lui restait. « Un coup de pied en plein ventre – l’envoyer voler à dix pas –, lui sauter dessus et lui défoncer le visage à coups de poing… »
L’homme-ours vacilla à peine et Kian tomba lourdement sur le sol comme s’il avait heurté un mur. Une douleur fulgurante traversa son épaule droite, lui arrachant un cri. Instinctivement, il roula de côté.
La hache de l’homme-ours s’enfonça dans la terre à l’endroit où il se trouvait un battement de cœur plus tôt. Kian s’agenouilla d’un coup de reins, puis se leva en titubant, le souffle coupé par la douleur. Son bras droit était inutilisable. Le monstre se retourna avec un grondement de bête énervée et se précipita vers lui en hurlant.
Kian le reçut de plein fouet sans avoir eu le temps d’esquiver. La masse de l’homme-ours le plaqua au sol. Ses mains de pierre s’enfoncèrent dans le cou de Kian, lui coupant le souffle, accentuant la douleur qui lui vrillait l’épaule à un point insoutenable. Sa main gauche tentait inutilement de repousser ces poignes terribles qui l’étranglaient.
La dague !
Il fallait qu’il respire. Le ciel tournait au-dessus de lui, et avec le ciel tournaient le visage grimaçant de l’ours aux dents rouges, sa barbe souillée, ses yeux d’un bleu d’acier brillants de folie.
Il parvint à saisir la dague dans son fourreau.
Kian lui planta la lame dans les côtes. Une fois, deux fois. Pas un mouvement, pas un tressaillement. Le monstre ne sentait rien.
Alors, à bout de forces, dans un dernier élan, avant de sombrer dans les ténèbres, Kian plongea la dague dans le cou de l’homme-ours.